Auteur: Amélie Quasthoff
Photo source: Photo by Kane Reinholdtsen on Unsplash
Nous avons tous déjà été confrontés à la situation suivante (que ce soit à l’école, à l’université ou plus tard au travail lors d’une présentation devant des collègues) :
Les yeux braqués sur vous, le public suit attentivement votre discours. Rien ne semble leur échapper. Surtout pas les nombreux « euh » et « hum », qui se faufilent dans votre discours. Et pourtant, vous avez passé tant d’heures à le réciter dans votre tête et à haute voix. Vous maitrisez le sujet, vous savez exactement ce que vous voulez dire, mais dès que vous hésitez, même si cela ne dure qu’une fraction de seconde, ils reviennent… les « euh » et les « hum ».
Parce que la plupart des gens voient ces hésitations comme un signe d’insécurité, de nervosité et de faiblesse, il existe des cours spécialisés qui vous aideront à éliminer ces petits mots indésirables. Le but de cet exercice : un contrôle parfait de soi-même et de l’image de soi que l’on donne vers l’extérieur. Mais est-ce vraiment nécessaire ? Julie Sedivy linguiste et psychologue à l’université de Brown et de Calgary voit le tout sous un jour nouveau. D’après la scientifique le discours bénéficierait même de ces moments d’hésitations et de silences. La ponctuation d’un discours de « hum » et de « euh » est non seulement une caractéristique naturelle, elle aiderait même le public à se concentrer pendant le discours. Mais d’où viennent ces petits mots indésirables ? Même si un discours a bien été préparé et que nous savons exactement ce que nous voulons dire, il ne s’agit ici pas d’un texte que l’on récite par cœur. En règle générale nous ne planifions pas la construction de nos phrases mot à mot. Le conférencier pense et parle en même temps. Un « hum » ou « euh » signale au public qu’un processus est en cours et qu’une nouvelle information en découlera. Il a même été démontré que ces mots qui marquent une pause pendant le discours aident le public à assimiler le contenu de discours complexes et longs.
Néanmoins, nous attendons du conférencier un discours fluide avec un minimum d’hésitions et de silences. Pourtant il a été démontré que plus la personne sait de choses plus elle prendra de temps à exprimer ses pensées. Ces personnes puisent leur savoir d’un plus grand pool de données et forment des phrases plus détaillées et complexes. Un discours rythmé de pause et de mots béquilles ne signifie donc pas forcément que le conférencier est nerveux ou mal préparé, mais plutôt qu’il lui faut plus de temps à organiser ses pensées riches en savoir. Depuis peut les développeurs de système de voix synthétisée testent l’insertion d’hésitations naturelles pour rendre la voix plus agréable à l’ouïe.
Un paradoxe : car les humains s’entrainent à parler comme des robots (sans hésitions, sans silence, sans « euh » ni « hum ») et les robots sont programmés de façon à ce qu’ils parlent comme des humains.